« On nous traite de broussards pourtant nous sommes en ville. Je ne comprends pas pourquoi les Sénégalais nous insulte de la sorte « , me dit Razaki ,un étudiant cenrafricain . Depuis 3 ans qu’il vit au Sénégal, il est très remonté du fait qu’il soit considéré comme « Gnac ». Pour lui c’est ne rien d’autre que de la discrimination. Il me dit qu’il pense que les Sénégalais sont xénophobes . «Ce mot est comme un rejet à notre endroit nous les étrangers vivant ici», ajoute-t-il se sentant frustré.
« C’est difficile mais que faire ? » s’interroge , Rodrigue un Congolais. A l’en croire, le mot « Gnac » serait une injure. Il ajoute : « Depuis que je l’ai su, je passe mon chemin et je considère cela comme des futilités ».
Sur le sens réel du mot, chacun y va de sa propre définition. «Ce sont les mauvaises herbes, et nous sommes assimilés à cela», tente de répondre Gérard, un plombier. «Tu as beau parler le Wolof, tu resteras toujours un ‘gnak’ aux yeux des sénégalais. Cela crée vraiment des barrières» déplore cet Ivoirien.
Si ces deux jeunes sont vexés à l’évocation de ce mot, Mme Liliane , une ressortissante étrangère dans dans un quartier populeux dont je me permets de taire le nom relativise. « Même en Côte d’Ivoire, il y a une appellation pour les différentes ethnies. On traite de ‘brussmani’ ceux qui cultivent dans les champs et qui vivent dans la forêt » estime-t-elle. De son avis, « Gnac » n’est qu’une manière de différencier les Sénégalais des autres.
Son point de vue est partagé par Moussa Diabaté. Venu à Dakar depuis 1984 pour gérer les affaires de son père, Moussa affirme n’avoir jamais été qualifié de la sorte. » On ne m’a jamais traité de ‘gnac’ depuis que je suis là. Pour moi ce mot n’a rien de méchant, c’est juste pour lier la personne à sa sphère géographique ».
Etant de confession musulmane, le commerçant aborde aussi la question sous l’angle religieux. Il pense que les musulmans ne sont pas traités de « Gnac » au Sénégal.
« L’aspect religieux compte beaucoup, les Sénégalais considèrent que les ‘gnacs’ sont pas des musulmans. Mais en Islam, on devient alors frère de religion » indique-t-il.
Pour le professeur Moussa Daff enseignant à la Faculté de Lettres qui a contribué à l’élaboration d’un ouvrage intitulé : » Les Mots du patrimoine : Le Sénégal », ce terme est lié à une catégorie sociale. » Ce genre d’appellation n’existe pas seulement qu’au Sénégal. Ce sont des stéréotypes liés à un certain nombre de catégories sociales », me dit le professeur.
Dans l’ouvrage qu’il a coédité avec 4 autres collègues, le mot « Gnac » revêt un aspect péjoratif. « Étranger africain non sahélien », peut-on lire dans la définition indiqué dans l’ouvrage.
« Mais ce sont les parents qui gâtent tout : ils parlent de religion, les étrangers étant en majorité chrétiens, ils parlent des gens de forêt peu civilisés (on les appelle niack) « , note Sud quotidien dans son édition du 12 Juillet 1994.
Tout compte fait, qu’ils soient sahéliens ou non, c’est une appellation qui irrite plus d’un. « J’ai eu à me bagarrer à cause de cela. Quand je suis parti au marché un vendeur m’a traité de la sorte. Et nous en sommes venus aux mains. C’est écœurant quand on vous traité de sauvage».
Un jour j’ai demandé à un ami Sénégalais ce que cela signifie. Surpris de ma question , il me regarde, sourit puis me lance: «Gnac? mais c’est toi».
Dakaroisement parlant
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